un enfant gavé est un enfant heureux
Mes parents n’étaient pas spécialement riches. On était on va dire une famille ordinaire. Mais dans cette famille, Maman engloutissait la quasi-totalité du salaire ramené par mon père dans la nourriture. Elle avait d’ailleurs une ardoise, non pas chez les commerçants, mais sur le cahier de compte de son mari qui trouvait (comme tous les maris je crois) qu’elle dépensait trop. Sauf que c’était pas en robes ou en gadgets mais pour « le manger ». Maman avait une obsession en ce qui concernait la nourriture. Pour elle, un enfant (sur)nourri était un enfant heureux.
Nous étions donc passés directement du lait maternel (très peu de temps - car hélas elle n’avait pas de lait, et en plus « les bouts de seins rentrés » comme elle disait) aux bouillies jusqu’à nos trois ans environ, ce qui avait donné de bons gros bébés grassouillets dont les trois plis aux cuisses forçaient l’admiration de tous :
ma tite soeur
et ça c'est moi
(le seul moment où j'ai eu des seins, ahaha)
Aux repas pris dans un silence religieux (on n’avait pas le droit de parler à table à cette époque), repas composé de :
- une entrée (ça pouvait être des tomates, des concombres*, mais aussi de la charcuterie, des rillettes par exemple que mon père et mon frère adoraient)
- de la viande à tous les repas, matin ET soir. Et de la viande ROUGE spécialement, la seule qui donne des forces. Elle nous faisait boire le sang à la petite cuillère.. Les jours fastes, on mangeait de la viande de cheval qui coûtait plus cher. Et le rosbeef tous les dimanches.
Ma mère aimait particulièrement la viande, bien qu’ayant grandi en Suisse où je pense on en mange pas énormément. Dès qu’on se sentait fatigué, hop un bifteck bien cru et ça repart !
Oui, parce que la viande crue est meilleure pour la santé que la viande cuite. Et elle était profondément désolée qu’une fois adulte je cuise bien mon steak, détruisant ainsi toutes les vitamines ..
Papa, lui, était friand de steaks tartares. (beurk!!)
- des légumes ou des féculents (aujourd’hui en vous énumérant tout ça, je me demande comment j’arrivais à ingurgiter une telle quantité de nourriture. Ceci dit, j’avais pas le choix. Chez moi, on raperchait l’assiette jusqu’à la dernière miette. Un jour, mon père m’a obligée à finir du boudin, cette espèce de truc immonde plein de sang figé et de gras. J’en avais des nausées, je ne sais plus si j’ai vomi après, mais il a bien fallu le finir.. Inutile d’ajouter que j’en ai gardé un dégoût pour le boudin !) (une autre fois, c’était au petit dej, je n’avais plus faim et j’avais versé le reste de mon bol de lait dans l’évier. Mon petit frère, qui était le chouchou et surtout que mon père ne « touchait » jamais, s’était empressé de rapporter alors que je lui avais demandé évidemment de ne pas le faire. Mon père m’avait attrapée et soulevée sur une main -je devais donc être assez jeune- et mis une fessée cul nu dont je me rappelle encore ! Bon, ben j‘ai plus jamais jeté du lait dans l‘évier ..)
- du fromage
- du dessert (souvent encore un laitage, genre crème - ma mère n’aimait pas les fruits)
Et ça, c’était le repas français.. Je parle pas de ceux qu’on faisait en Suisse !!
* à propos de concombre, Maman avait aussi des croyances (que j’ai dû inconsciemment transmettre à mon fils car l’autre jour il m’a sorti la même chose !!!), c’est que le concombre ça nourrit pas car c’est plein d’eau (comme le navet).